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«Comme dans tous les ministères, il n’y a aucune reconnaissance. Bien ou mal, on fait notre travail et on suit notre progression de carrière quand il y en a une.» C’est le triste bilan dressé par Anne, adjointe administrative à la Cour d’appel de Metz pour qui, le métier de professionnel de greffe n’est pas humainement valorisant. Face à la charge de travail grandissante, la fatigue et la démotivation grandit chez les greffiers et l’impression de ne pas être entendu poussent beaucoup à envisager une reconversion.
Comme l’exprime Félix Rome ¹, les greffiers peuvent être considérés comme l’armée des ombres de la justice. Les rapports dédiés à cet organe vital de la justice se comptent sur les doigts d’une main. Et dans les services de greffe, le sentiment d'abandon est vif. «J. Moi j’ai le sentiment que l’on est bien seul et que l’on se débrouille», affirme Stéphanie, greffière à la Cour d’appel de Metz.
Dans le même temps, c’est la politique des chiffres qui est pointée du doigt : «les statistiques priment pour rendre compte d’une activité», ajoute Stéphanie, en poste depuis près de 20 ans. Pour elle, ces indicateurs chiffrés ne tiennent pas compte de toutes les «choses invisibles» qui prennent du temps dans la gestion de la procédure et donc, dans le travail de greffe. Le désintérêt ressenti de la hiérarchie pour la réalité des tâches accomplies par les greffiers lui semblent être la cause principale de démotivation dans la profession.
Si les chiffres ne témoignent pas d’une hausse significative des arrêts maladies, la fatigue et la frustration professionnelle sont visibles par le nombre croissant de greffiers entamant les démarches pour changer de ministère ou tout simplement, de poste. «J’aimerais bien passer le concours d’IRA», avoue Sylvie en observant le nombre croissant de collègues qu’elle voit faire de même. « Les greffiers sont de plus en plus diplômés et deviennent greffiers par dépit. Et ça se ressent», explique-t-elle.
Avant-propos du rapport «Cinq ans pour sauver la Justice»
«Il existe un décalage important, et source de tensions, entre la hausse du niveau de qualification des personnels de greffe et la nature des tâches qui leur sont confiées»
Salué par le Garde des Sceaux lors de sa visite à l¦École Nationale des Greffes en septembre 2020, ce dévouement des agents est brodé d'amertume. «Dans les greffes, les collègues ont une telle conscience pro que c’est grâce à cela que les greffes ont survécu et survivent depuis des décennies», témoigne un représentant du syndicat CGT-Justice. Les greffiers sont les infirmières de la justice et sous la robe noir, le poul vacille.
Pour Shirley Michaud, greffière au Tribunal Judiciaire de Nancy et membre du syndicat CGT-Chancellerie, le mal est profond et les retours qu’elle a de ses collègues font état d’une souffrance au travail. «Il y a du dialogue social, mais la souffrance est toujours là.», explique-t-elle. «Ça n'empêche que l’on demande malgré tout au personnel, malgré le nombre d’arrêts, de maintenir le régime».
Pour commencer, merci à vous d'avoir consulté de bout en bout ce long-format. J'espère que vous en avez appris plus sur les greffiers et leur importance. N'hésitez pas à en parler autour de vous et bien sûr, à le partager sans limite sur vos réseaux!
D'autre part, merci aux membres du service de greffe de la Cour d'Appel de Metz d'avoir accepté de m'ouvrir les portes de leurs bureaux et de se livrer sur ce qui fait leur quotidien.
Ensuite, merci à toutes les personnes qui ont suivi l'avancée de ce projet et conseillé tout du long. Un remerciement tout particulier à Séverine Garcia pour sa bienveillance quant au visuel de ce projet. Merci à Jean-François Diana et Loïc Ballarini pour leur disponibilité et leur soutien.
Un remerciement tout particulier aux camarades de la promotion 2019-2021 du Master Journalisme et Médias Numériques de Metz avec qui les moments de doute et de fatigue ont pu être si facilement surmontés. Enfin, une pensée pour la D312, cette salle nichée au troisième étage d'un austère bâtiment de la faculté du Saulcy dans laquelle le café était toujours chaud et l'ambiance de travail agréable.
«On aime notre travail, c’est ce qui nous sauve», admet Marie-Claude, greffière depuis près de 32 ans. Le 13 octobre 2015 dans le cadre des travaux autour de la «Justice au XXIe siècle», le statut des «greffiers des services judiciaires» est réformé après 13 ans inchangé. Une réforme intervenue alors que les greffiers de plusieurs villes de France manifestent pour dénoncer leurs conditions de travail et demander à être mieux considéré. Malgré tout, le chemin semble inachevé et les greffiers continuent de regretter un statut peu valorisant.
En 2017, dans un rapport qui fait date intitulé «Cinq ans pour sauver la Justice», la nécessité de donner aux greffiers la place qu’il mérite est réaffirmée par le Sénat : «[Il faut] revaloriser les missions des greffiers, pour recentrer les magistrats sur la fonction de juger [car] le bon fonctionnement des services de greffe et donc du tribunal lui-même repose, dans bien des cas, sur la bonne volonté des greffiers». Entre renforcement de leurs missions juridictionnelles et désir de ne pas faire des greffiers des «demi-magistrats», les politiques hésitent et les greffiers s’agacent.
«En 2015, on a perdu notre particularité d’être des techniciens de la procédure», déplore Stéphanie, greffière placée dans le ressort de la Cour d’appel de Metz. Elle poursuit : «Avant 2015, nous étions B+ [catégorie de la fonction publique intermédiaire entre B et A, aussi nommée C2i]. Et on l’a perdu». Désormais, ces deux grades ne forment plus que deux échelons distincts - greffier et greffier principal - d’un même grade, la catégorie B. Or, l'abandon de cette spécificité est vécue comme la négation du savoir technique en matière juridictionnelle des greffiers. Et pour gravir la marche qui les sépare, les professionnels doivent désormais se soumettre à un concours bien qu’avant, le passage de l’un à l’autre faisant partie intégrante de l’évolution naturelle de carrière.
contractuels. Une pratique permise par la réforme de 2015 et perçue par les professionnels comme une «mort annoncée» du statut de greffier. «Ils ont des missions moindres, bâtardes, et sont mieux payés. Beaucoup de collègues le vivent très mal», explique une greffière du Tribunal judiciaire de Nancy. Les salaires sont un point sensible dans les services. «Après 20 ans de carrière, je touche 2 000€ net par mois», témoigne Sylvie, greffière des services correctionnels d’appel à Metz. «C’est sûr, ce n’est pas pour la paye que l’on fait ce travail»,. Une frustration qui ronge peu à peu la motivation des greffiers.
Au cœur des réflexions sur le statut de greffier se trouve l’étendue des missions juridictionnelles qui leurs sont conférées. Parmi les nouvelles attributions des greffiers, l’assistance qu’ils apportent aux magistrats est renforcée, allant jusqu’à la possibilité pour eux de rédiger «des projets de décisions et de réquisitoires» sur leurs indications. Pour Philippe Loisel, représentant CGT-chancellerie (syndicat ayant refusé de signer la réforme de 2015), c'est «aberrant». «On peut se demander comment le greffier peut préparer la procédure pour un magistrat pour un autre traitement que celui que ce dernier reçoit», théorise-t-il en pointant un enjeu déontologique En effet, l’article 4 des statuts de greffier leur ouvre la possibilité de recevoir une partie des missions de leurs confrères magistrats, sans bénéficier des protections statutaires qui les accompagnent.
régulièrement pris en considération par le parquet, la formalisation de cette attribution dans les statuts déplaît. Comme l’explique Catherine, greffière à la chambre civile de la Cour d’appel de Metz, les greffiers auraient aimé voir un rôle juridictionnel autonome leur revenir. «On pourrait nous laisser juger d’affaires simples comme les divorces par consentement mutuel», fait-elle remarquer. La création d’un «greffier juridictionnel» ayant en charge la fonction de juger d’affaires simples est un marronnier. À l’échelle européenne, comme en Autriche et en Allemagne, cela existe mais les parlementaires français l’écartent pour lors, ne souhaitant pas faire des greffiers des «demi-magistrats».
Un autre acteur des services de greffe a été laissé pour compte selon les professionnels : les adjoints administratifs. «C’est pareil pour les adjoints, avec la fusion des postes de secrétaire et d’adjoint, je gagne moins que 10 ans en arrière», s’indigne Laurence, adjointe administrative qui, après 32 ans de carrière, a fait le tour des services de la Cour d’appel de Metz. En effet, la réforme a impacté le statut d’adjoints administratifs de la même façon que leurs confrères greffiers. La disparition du poste de secrétaire technique des services de greffe, poste de catégorie B, a entraîné le reclassement sur celui d’assistants administratifs de ceux qui l'occupent et leur impose le passage d’un concours pour évoluer au grade de greffier.
Une situation paradoxale synonyme pour les adjoints administratifs que la date d’expiration de leur statut est proche. Comme l’explique Anne, adjointe des services correctionnels de greffe, les missions administratives dévolues à ce poste tendent à se réduire avec la numérisation des procédures. Mais selon elle, la réforme eût été l’occasion de créer une passerelle entre les postes d’adjoints administratifs et des greffiers car dans les faits, ces adjoints pallient bien souvent au manque de greffiers en les remplaçant sur la base du volontariat. Un volontariat bienvenu mais la suppression des «promotions au choix» par la réforme le prive de perspective. Un sentiment que résume Sandrine, adjointe administrative à la Cour d’appel de Metz : «On n’a pas de reconnaissance dans le sens où il n’y a pas d’évolution de carrière».
Si dans les faits magistrats et greffiers nouent une relation de confiance amenant le point de vue de ces derniers à être
L'absence de formation des contractuels arrivant dans les services de greffe est pour les greffiers, un dénigrement de leurs compétences
Un sentiment de déni exacerbé par le recours croissants aux
«Cette réforme a pour objectif [...] de renforcer les missions dévolues aux greffiers, dont la spécificité est réaffirmée, en matière d’assistance au magistrat, d’encadrement et d’accueil des justiciables»
Concilier temps judiciaire, politique et ère du temps n’est pas chose facile. Parmi les petites mains de ce processus, les greffiers sont en première ligne. «La covid a en effet révélé la charge de travail et les défaillances matérielles», explique Sylvie, greffière à la Cour d’appel de Metz. Un constat d’insuffisance évoqué depuis près de 10 ans par les experts. Mais face à l’évolution de la justice, le métier de greffier doit évoluer et se moderniser. Un processus entamé par les politiques mais encore inabouti.
En 2020, 6,9% des postes de greffiers étaient vacants. Malgré l’annonce d’Eric Dupond Moretti en septembre 2020 devant les élèves de l’ENG de Dijon, la fin de l’année 2021 ne sera pas synonyme de résorption du nombre de postes vacants. Annoncé dans le cadre du programme de modernisation de la justice 2018 - 2022, cet objectif est aujourd’hui qualifié d’optimiste par les parlementaires dans le cadre du projet de loi de finances de la justice pour l’année en cours.
Tribunaux judiciaires
graph : évo° nb contractuels et nombre d’assistants admin
«La justice va mal. Ses délais ne cessent de s’allonger. En dix ans, ils sont passés de sept mois et demi à près d’un an pour les tribunaux de grande instance. Dans le même temps, le stock d’affaires en attente d’être jugées a augmenté de plus de 25% pour les juridictions civiles.Or, le nombre de magistrats et de greffiers diminue, les vacances de postes sont devenues endémiques»
adjointe administrative dans les services de greffe de la Cour d’appel de Metz. Comme évoquer dans le rapport «Cinq ans pour sauver la Justice» déposé sur les bureaux du Sénat en 2017, les vacances de postes est le principal facteur de difficultés pour les professionnels de greffe. La conséquence est évoquée quelques lignes plus loin : «un fonctionnement régulier en mode dégradé».
En 2020, le ministère de la justice annonce une durée moyenne de 4 ans pour un procès pénal et à peine moins au civil. Mais, comme l’explique Philippe Loisel, greffier au Tribunal Judiciaire de Metz et représentant CGT-justice : «Le retard est endémique dans la justice. En effet, des délais incompressibles sont prévus par la procédure judiciaire afin de garantir le respect du contradictoire et des droits à un procès juste et équitable. «Mais aujourd’hui, on est dans le 'sud-retard''', explique-t il. Un délai anormal qu’il estime à 6 mois. La raison est selon lui le manque de moyens qui empêchent les services de greffe de traiter les affaires au plus vite.
Pourtant, le comblement des postes vacants chez les magistrats et les professionnels de greffe était défini comme prérequis à la mise en place des Tribunaux Judiciaires intervenus en 2019. De fait, les Tribunaux Judiciaires sont les nouvelles juridictions de première instance et sont issus de la fusion de celles qui occupaient avant ce rôle. Destinés à être mono départementaux, les Tribunaux Judiciaires sont représentés par des chambres de proximité disséminées à travers leur ressort territorial. Pour ne pas mettre en péril leur mise en place, la réduction des vacances de postes dans chaque juridiction était considérée comme nécessaire par les parlementaires afin que leur addition ne noie pas leur remplaçant. Alors que dans les services de greffe du ressort du Tribunal Judiciaire de Metz ce taux s’élève encore à 14,7%, la révision à la baisse de l’objectif s’impose. Désormais, il s’agit de stabiliser ce manque à 5% des effectifs théoriquement prévus dans les services de greffe.
«Oui forcément, il y a du retard que l’on ne peut pas rattraper car il faudrait programmer de nouvelles audiences et donc, avoir du personnel en plus.»
«À terme, cette politique va devenir inquiétante», réagit Anne, adjointe administrative à la Cour d’appel de Metz. «Comme on dit, le temporaire devient bien souvent le définitif». Si ces annonces peuvent donner «une bouffée d’air frais» dans les juridictions, le recours croissant aux contractuels fait naître chez les greffiers des inquiétudes quant à l’avenir de leur statut. D’autre part, l’impossibilité faite aux contractuels de prendre en charge des audiences et d’être l’authentificateur de la procédure limitent la joie des professionnels. «Du coup, on ne peut pas ajouter d’audiences qui permettraient d’écluser le stock», regrette Shirley Michaud. Pour Hervé Bonglet, secrétaire national du syndicat UNSA - services judiciaires, le recrutement d’adjoints administratifs aurait été préférable.
Assistants des greffiers avec qui ils travaillent main dans la main, le nombre d’assistants administratifs a chuté de 18,6% en 5 ans. Cette tendance trouble les principaux concernés et alourdit la charge de travail dévolue aux greffiers.
Dans le projet de loi de finances 2021, les parlementaires rappellent que le recours aux contractuels ne saurait être pérenniser et ne remplace pas le recrutement de titulaires de greffe
Face au manque d’effectifs, le Garde des Sceaux a annoncé devant la commission des lois de l’assemblée nationale le recrutement de 130 directeurs de greffe, 100 greffiers ainsi que 764 contractuels dont la moitié (496) destinés à prêter mains fortes dans les services de greffe. Une mesure qui fait grand bruit chez les fonctionnaires de greffe : «les collègues ont le sentiment que le gouvernement leur rit au nez», rapporte Shirley Michaud, greffière au Tribunal Judiciaire de Nancy et représentante CGT-Justice.
Nécessaires à la prise en charge des affaires, 11458 greffiers devaient en 2018 faire face à un stock de près de 5 millions d’affaires «C’est sûr que l’on ne s'ennuie pas», s’amuse Anne,
«Le greffier est un agent de la fonction publique de catégorie B-CII, sous l’autorité d’un directeur des services de greffe.
Technicien de la procédure, le greffier est présent à toutes les étapes de la procédure. Il est responsable du respect et de l’authenticité des procédures, enregistre les affaires, constitue les dossiers, prévient les parties des dates d’audience et de clôture, dresse les procès-verbaux, rédige des actes et met en forme les décisions.
Il assiste le juge à l’audience et dans les actes de la juridiction. Son rôle est essentiel puisque toute formalité ou acte accompli en son absence pourrait être frappé de nullité. Il exerce des fonctions d’assistance du magistrat dans le cadre de la mise en état des dossiers et des recherches documentaires et rédige des projets de décision et de réquisitoire selon les
indications des magistrats.
Le greffier accueille et informe le public. Interlocuteur privilégié du justiciable, il renseigne sur les procédures et sur la constitution d’un dossier.
exerce également des fonctions d’enseignement professionnel.»
Extrait d'une offre d'emploi du Ministère de la Justice
Catherine est greffière depuis près de 20 ans. «Ce qui m’a attiré, c’est la multiplicité des missions et le contact avec les magistrats». Une vocation qu’elle a choisie. Dans son bureau au troisième étage de la Cour d’appel de Metz, elle est cernée de dossiers. À elle seule, elle assure le suivi d'environ 1000 dossiers par mois. «On suit le dossier, de la saisine à son enregistrement final», explique-t-elle. Une lourde charge sans laquelle la justice s’arrête et face à laquelle elle se sent parfois seule et délaissée.
Mais, face à l’augmentation du nombre d’affaires et le climat de réforme permanente, le poul des greffes s’accélère. En 2017, dans le rapport au Sénat «Cinq ans pour sauver la Justice, Jean-Jacques Urvoas alors Garde des Sceaux craint même «l'embolie». Catherine confirme : «Il faut que ça sorte!». Au risque que la quantité prime sur la qualité, car elle l’avoue, moins de temps est passé à «fignoler» et faire preuve de pédagogie pour les justiciables. «On est dirigé par les statistiques et parfois, la quantité prime sur la qualité». Les greffiers sont en première ligne des politiques de réduction des délais de jugement qui ne cessent de s’allonger depuis près de 20 ans. Une sollicitation épuisante d’autant que les moyens humains et matériels manquent : «Nous, on audience à un an. C’est énorme mais le personnel est ce qu’il est, tant au niveau des magistrats que des greffes», explique-t-elle en soulignant la fatigue présente chez ses collègues.
«Le problème c’est l'image», explique-t-elle, remarquant l’absence de série TV sur les greffiers. La robe noire que le greffier revêt lors de l’audience n’y change rien : les greffiers sont invisibles. Malgré les expressions consacrées, les greffiers restent dans l’ombre des magistrats et des avocats tels les personnages secondaires d’une pièce dont ils portent pourtant l’intrigue. Le manque de reconnaissance devient alors un point sensible. «Ça fait 20 ans que je me défonce dans mon boulot et j’ai l’impression d’être seule, isolée. On a aucune reconnaissance», déplore-t-elle la voix chevrotante de tristesse et de colère. Un lot qu’elle partage avec les infirmières et que la crise sanitaire a exacerbée.
«C’est un lot, comme les infirmières on fait beaucoup de travail mais on est pas reconnu»
Directeur de Greffe
Catherine, greffière à la Cour d'appel de Metz
Organisation des services judiciaires de greffe
«Je suis parfois écœurée mais j’aime mon travail», prononce-t-elle la gorge serrée. «C’est malheureux à dire». Comme les encombrantes manches de la robe noire qu’elle porte depuis le serment qu’elle a prêté en quittant les bancs de l'École Nationale des Greffes (ENG), Catherine se sent usée. «Comme les infirmières, on a énormément de travail mais au niveau reconnaissance, on en a aucune». Dans une allocution devant la commission des lois du Sénat, Philippe Bas alors rapporteur de la mission Droit et Justice salue la bonne volonté des fonctionnaires de greffe qui permet seule, bien souvent, aux tribunaux de survivre. Comme Catherine, les greffiers sont malgré tout attachés à la mission de service publique qu’ils servent. Un dévouement qui fait contrepoids et sans lequel, la balance de la justice pencherait dangereusement.
Le navire du service public de la justice tangue mais maintient le cap. Cependant, la vague épidémique a durement impacté les tribunaux et mis les professionnels de greffe à rude épreuve. «À l’été, on était tous épuisés», témoigne Catherine. Comme dans les hôpitaux, la crise sanitaire a révélé les faiblesses structurelles du système judiciaire français. Malgré la mise en place des plans de continuité de l’activité, la vétusté du matériel informatique et des logiciels ont rendu le télétravail impossible pour les greffiers. Un retard d'autant plus important que de leurs côtés, les magistrats continuent de juger les affaires dites urgentes.
«On est nécessaire, sans nous tout s’arrête», résume Catherine sans fausse modestie. En effet, les greffiers sont le muscle cardiaque de la justice. Tout à la fois gardiens de la procédure, assistants privilégiés des juges et magistrats mais aussi premiers interlocuteurs des justiciables, les greffiers sont le visage, les mains et le cœur battant de la justice.
Greffier
Adjoint Administratif
Catégorie A
Catégorie B
Catégorie C
Ils assistent aux audience, dressent les procès-verbaux, informent les parties, authentifient les actes juridictionnels et mettent en état les dossiers. Et, comme le rappelle Catherine, les greffiers sont aussi les assistants des magistrats pour lesquels ils préparent les dossiers et rédigent les éléments de procédure. "Sans nous, tout s'arrête", assène-t-elle finalement. Leur savoir et leur soin protègent la justice d'être entravée par un vice qui causerait l'annulation pure et simple de la procédure.
«Pendant la crise c’était affreux», décrit-elle. «À l’été on était tous épuisés». Une fatigue qui n’a pas pu être épongée car au retour dans les juridictions, l’ordre a été donné de «mettre les bouchées doubles» afin de faire face au stock d’affaires accumulées. Face au manque de moyens matériels et humains, beaucoup réfléchissent à changer de voie. Catherine aussi y a pensé mais à 55 ans, revenir sur le marché du travail et risquer de quitter la ville de Metz est inenvisageable.
«On a commencé à nous faire revenir fin avril. Un à un au début. Et le 11 mai à la reprise c’était catastrophique»
Catherine, greffière à la Cour d'appel de Metz
Comme chez les infirmières, 88% des greffiers sont des femmes